Le GNV (Gaz Naturel Véhicule) peut-il être une solution durable à la mobilité ?
Commençons par définir ce dont nous parlons. Le GNV, c’est du méthane : le plus petit des hydrocarbures, avec une chaîne d’un seul atome de carbone, très courtisé par quatre atomes d’hydrogène (CH4). Comme tous les hydrocarbures, c’est une ressource non renouvelable, d’origine fossile, comme le pétrole et le charbon. Sauf quand on parle de « Bio-GNV », mais nous y reviendrons plus bas.
Le méthane est utilisé dans des moteurs thermiques sous sa forme gazeuse (GNC) ou liquide (GNL). Dans le transport de voyageurs, uniquement sur sa forme gazeuse comprimée. En brûlant, le méthane se transforme en énergie, en CO₂ (dioxyde de carbone) et en H20 (eau). A kilométrage égal, et aux faibles vitesses urbaines, le véhicule fonctionnant au méthane émettrait même plus de CO₂ qu’un véhicule classique au gasoil. Toutefois, les émissions de particules dangereuses pour la santé humaine (NOx, CO, etc.), sont significativement plus faibles quand on brûle du méthane plutôt que du CO₂. Mais on trouve aussi des études qui disent le contraire : https://www.lemonde.fr/…/les-camions-roulant-au-gaz…
Historiquement, beaucoup de villes ont fait le choix du GNV pour leurs réseaux de transport urbain. La raison en est avant tout économique : le GNV coûte – ou plutôt coûtait – en moyenne deux fois moins cher que le gasoil. Mais rouler au GNV suppose des infrastructures coûteuses : des stations de distribution, équipées de compresseurs, et un accès au réseau de gaz de ville. Car le méthane utilisé pour la mobilité est le même gaz que celui qu’on utilise pour le chauffage de nos maisons et de nos bureaux.
Depuis le début du le conflit en Ukraine, le cours du méthane s’est envolé, allant jusqu’à être multiplié par quatre, clouant au fond du parking beaucoup de cars et de camions récemment acquis pour la transition énergétique. Beaucoup de projets d’investissements en véhicules et en stations GNV ont été abandonnés depuis l’envolée du cours du gaz. Alors, faut-il pour autant abandonner la filière GNV et courir vers l’électricité et l’hydrogène ?
Pas si évident… Il existe un moyen de produire du GNV de façon utile et renouvelable : c’est la méthanisation des déchets (agricoles, industriels ou ménagers). Cela fait bientôt quatre ans que nous exploitons en Lorraine un méthaniseur avec un groupe d’agriculteurs qui sont actionnaires du projet. Ce méthaniseur est « nourri » avec du fumier, du lisier, et quelques cultures dédiées, dont du maïs (qui ne dépasse pas 15% de la ration donnée au méthaniseur). Dans deux immenses cuves de 28 mètres de diamètre, les bactéries vont métaboliser cette soupe en rejetant un biogaz riche en méthane. Ce biogaz peut être brûlé dans un moteur pour fabriquer de l’électricité (cogénération) ou alors, odorisé et purifié, il peut être injecté sous pression dans le réseau de gaz GRDF. En Haute-Marne, dans l’exploitation agricole de notre ami Philippe Collin, nous avons même un véhicule scolaire qui va directement faire le plein « à la ferme », ce qui reste un cas d’école très rare.
L’autre produit à la sortie de notre méthaniseur, c’est le « digestat », la soupe qu’on récupère après la digestion par les bactéries, et qui, étendue dans les champs, va remplacer des engrais chimiques très onéreux et très émetteurs de CO₂. Ainsi, l’impact CO₂ d’un méthaniseur est hautement bénéfique, pour l’économie et l’écologie, et l’électricité produite a un prix de revient qui peut rivaliser avec les autres sources d’électricité renouvelable. De plus, ce revenu complémentaire permet à nos agriculteurs de rester compétitifs par rapport à leurs concurrents d’autres continents. Mais c’est un autre sujet que nous aborderons plus tard…
La production de biogaz reste faible : en 2020, le bioGNV représente 17,5% du GNC distribué en stations-services (source : https://www.bioenergie-promotion.fr/…/biognv_agricole… ). Et l’usage principal du méthane reste le chauffage.
J’ai du mal à me faire un avis définitif sur l’avenir du GNV dans la mobilité. Il m’apparaît évident que c’est une énergie de transition en attendant le déploiement à large échelle de l’électricité et de l’hydrogène. Comme le gasoil, le GNV ne survivra pas à la fin des moteurs thermiques. Mais il est néanmoins impératif, car profondément et durablement utile, de construire partout où c’est utile des méthaniseurs pour récupérer le méthane issu de la stagnation de nos déchets. En effet, le méthane est aussi un gaz à effet de serre, et il est cinquante fois plus puissant que le CO₂… D’où l’urgence de collecter nos biodéchets pour les transformer en énergie. Il y a de l’or au fond de nos poubelles !
M. François Piot