« Tout se passe comme si l’univers était animé d’une pulsion de vie. […] le hasard, bien sûr, n’en est pas absent. Il y joue un rôle fondamental. Si le hasard pur est stérile, il devient fécond lorsqu’il est encadré par la nécessité. » Hubert Reeves
LE PROBLÈME, CE N’est pas seulement le carbone…
Et le carbone, sous forme de dioxyde de carbone (CO2, avec un 2 en indice, et pas en exposant), est même nécessaire à la vie : c’est lui qui permet aux plantes de pousser, grâce à la photosynthèse. Certes, le CO2 est responsable d’une partie de l’effet de serre, et donc du réchauffement climatique. Mais c’est loin d’être le seul défi que nous ayons à relever.
Prenez par exemple la pollution de l’air, la pollution des sols, la pollution des eaux. Elles ont toutes une origine anthropique : c’est clairement la faute de l’homme. À part un peu de déforestation, l’impact de l’humanité sur la planète était faible avant la Révolution Industrielle (l’usage du charbon, puis du pétrole), et quasi-nul avant le Moyen-Âge.
Quand vous brûlez un litre de gasoil dans le moteur d’un autocar, il n’y a pas que du dioxyde de carbone (2,57 kilogrammes en principe) au sortir du pot d’échappement : il y a aussi de la vapeur d’eau, de la chaleur, et plein de cochonneries plus ou moins nocives pour la santé humaine (et animale, au passage…), comme du monoxyde de carbone, des oxydes d’azote et de soufre…
Cette pollution anthropique a aussi un énorme effet sur la biodiversité. Avec l’expansion des territoires occupés par l’homme et son agriculture, au détriment des biotopes naturels, les animaux sauvages disparaissent un peu partout, lentement mais sûrement. Des espèces s’éteignent chaque année, à un rythme qui semble s’accélérer. Et même si d’autres apparaissent en même temps, et qu’un grand nombre d’entre elles reste à découvrir, ce n’est pas la vie qui gagne.
Le pire dans tout cela, c’est que nous arriverons très certainement à surmonter le problème des énergies fossiles. Cela coûtera un peu d’argent – quelques coquillages comme dirait Jancovici très justement -, mais il y a largement assez de photons solaires qui arrivent sur notre planète pour subvenir aux besoins énergétiques de l’humanité. En théorie, selon ce que j’ai lu à gauche et à droite, un disque de panneaux solaires de cinquante kilomètres de diamètre installé dans le désert de l’Arizona suffirait pour subvenir aux besoins énergétiques de l’humanité. Et d’une façon générale, il vaut mieux vivre en théorie : en théorie, tout se passe bien. De toute façon, il faudra bien faire face à la fin du pétrole, qu’elle arrive dans dix ou dans cinquante ans. Je serais prêt à parier qu’il y aura toujours du pétrole, et qu’après avoir atteint des sommets inconnus jusqu’ici, le prix du baril (hors taxes environnementales) devrait s’effondrer en même temps que la demande…
Malheureusement, nous risquons de tomber à nouveau dans le piège de l’énergie gratuite et abondante. De ce que je peux lire et entendre, le coût stabilisé de l’énergie sera de l’ordre de 200€ du MWh, délivré chez l’utilisateur, pas très loin du coût actuel. À ce prix-là, pourquoi se priver ? 20 cents pour un kilowatt-heure, soit une puissance électrique d’un kilowatt pendant une heure (la puissance d’un aspirateur domestique). Pour vous donner un élément de comparaison, la puissance de mon micro-ondes est au maximum de 800 watts. Chauffer mon thé pendant 90 secondes me coûte… 0,4 cents d’euro. Quand je pédale sur mon vélo d’appartement pendant 1h20 à une puissance de 180 watts (quand je suis en forme), je délivre l’équivalent de 0,24 kilowatt-heure, qui aurait coûté 4,8 cents d’euro. Heureusement, je ne pédale pas pour l’argent…
Il serait insensé de penser qu’on aura résolu tous nos problèmes quand on aura « fait » notre transition énergétique vers le zéro carbone (émissions = absorptions). La nouvelle pression mise sur notre planète en matière d’extraction de terres rares pour fabriquer toutes ces batteries va évidemment dégrader encore davantage notre environnement, dans des proportions qui sont difficiles à prévoir.
Faut-il pour autant baisser les bras ? Non, bien sûr que non. Cet avertissement matinal à la Cassandre, loin d’être exhaustif, se veut un juste rappel, et une incitation à la réflexion et à l’action. Ne perdons pas de vue, au seul profit du carbone, les autres défis que nous avons à surmonter. Ces défis, c’est notre nouvelle frontière, « the New Frontier », comme JF Kennedy avait dénommé la course à la Lune. Et c’est encore plus passionnant.
Terminons sur une note plus que positive : c’est la fin de la construction de notre troisième centrale hydro-électrique à Saint-Junien. Une très belle aventure menée de main de maître par notre ami et associé Philippe Herbrecht. Beaucoup de choses peuvent être déjà faites, et nous ferons notre part. Voire un peu plus !
M. François Piot