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Partie 2 : La transition énergétique, vous en êtes où ?

Pourquoi l’hydrogène est-il trop cher ?

J’ai longtemps pensé que l’hydrogène était LA solution pour l’avenir de la mobilité. Même si je reste convaincu que l’hydrogène jouera un rôle essentiel dans la transition énergétique, je suis de moins en moins certain que cette source d’énergie sera incontournable pour la mobilité.

Commençons par le début. D’où vient l’hydrogène de la mobilité ? Actuellement, l’essentiel de l’hydrogène sur le marché est issu des hydrocarbures fossiles : on l’obtient en général en chauffant fortement du charbon ou du méthane (vaporeformage). Les hydrocarbures sont des chaînes d’atomes de carbone, saturées en hydrogène. Le vaporeformage permet de produire de l’hydrogène (H₂) en arrachant les atomes d’hydrogène à la chaîne de carbones. Cet hydrogène est plutôt bon marché (1,5€ du kilo) mais non renouvelable, et fortement émetteur de CO₂ par son process de fabrication.

On trouve aussi de l’hydrogène (blanc), c’est l’hydrogène qu’on trouve naturellement dans certains sous-sols. On connaît mal la taille des gisements naturels, ni l’impact CO2 de leur exploitation. C’est une piste à ne pas négliger.

L’autre moyen de produire de l’hydrogène de façon industrielle sans trop émettre de carbone (CO₂), c’est d’utiliser de l’électricité pour casser des molécules d’eau (H₂0). C’est ce qu’on appelle l’électrolyse – destruction par électricité. Si l’électricité utilisée est renouvelable et peu carbonée (photovoltaïque ou éolienne par exemple), on peut parler d’hydrogène vert. Hydrogène bleu, jaune ou rose selon la source de l’électricité (https://www.revolution-energetique.com/…/hydrogene…/). Mais cet hydrogène est beaucoup plus cher, et son prix dépend du prix de l’électricité et de l’électrolyseur.

Une fois cet hydrogène produit, comment peut-on l’utiliser dans la mobilité ? Là, on a deux types de moteurs. Aujourd’hui, la totalité des moteurs des bus à hydrogène sont des moteurs électriques : le véhicule emmène des bonbonnes d’hydrogène qui alimentent une pile à combustible qui va donner de l’électricité et de l’eau, et donc pas d’émission de CO₂ au cul du véhicule. C’est le contraire de l’électrolyse. Il est nécessaire d’avoir de « petites » batteries à bord du véhicule pour stocker l’électricité produite.
L’autre type de moteurs, ce sont les moteurs à hydrogène, où on injecte directement de l’hydrogène. Certains camions fonctionneront comme cela. L’avantage, c’est que le rendement est meilleur.

En effet, chaque transformation chimique entraîne une perte de rendement. Je m’explique.
Les panneaux solaires ne transforment que 24% de l’énergie solaire reçue (les photons) en électricité. Il y a 10 ans, c’était 14%. On n’arrivera jamais à 100%, mais peut-être 50% un jour. On sait déjà faire des cellules photovoltaïques qui ont un rendement aussi élevé, mais elles coûtent trop cher à produire. En fait, il y a une compétition entre le coût du foncier (le terrain où on pose les panneaux) et le couple coût/durée de vie des panneaux. Si vous disposez d’un foncier quasi-gratuit – idéalement, une toiture à changer -, vous pouvez vous permettre d’utiliser des panneaux de qualité moyenne.

Ensuite, l’électrolyse, puis la recombinaison dans la pile à combustible entraînent deux pertes de rendement successifs. Concrètement, il faut 6 kWh d’électricité qui sortent de la centrale photovoltaïque pour obtenir 1 kWh d’électricité dans le moteur du bus. Cela signifie qu’on n’utilise finalement que 4% de l’énergie reçue du soleil sur le panneau ! On peut espérer des améliorations de rendement, mais il y a des frontières physiques que nous ne franchirons jamais.

Tout cela explique pourquoi la mobilité à base d’hydrogène coûtera beaucoup plus cher que l’électromobilité : coût de l’énergie, coût et maintenance des électrolyseurs et des piles à combustibles, réseau hydrogène, coût et maintenance de l’éventuel moteur à hydrogène… Les batteries ont ceci de magique que lorsque vous chargez une batterie, vous pouvez récupérer jusqu’à 98% de l’électricité stockée. La perte de rendement n’est que de 2%. Et le prix des batteries, qui gagnent en autonomie, va continuellement baisser pendant les années à venir. Enfin, il est plus simple et moins dangereux de stocker des batteries plutôt que des citernes à hydrogène, un gaz hautement explosif constituée d’une toute petite molécule qui adore les fissures.

Faut-il pour autant enterrer l’hydrogène ? Non, bien sûr que non. L’industrie consomme de grandes quantités d’hydrogène qu’il faudra décarboner. On peut aussi voir l’hydrogène comme une batterie naturelle : un moyen de stocker de l’électricité sans batterie chimique. Car c’est bien le problème de l’électricité fatale : elle n’est produite que quand il y a du vent ou du soleil, et pas forcément quand on en a besoin.

Et si le prix de l’électricité photovoltaïque tendait vers zéro ? Avec l’amélioration de la performance des panneaux solaires et l’augmentation de leur durée de vie, le coût du kWh va tendre vers le seul prix de l’occupation de l’espace, au sol ou en toiture. Ce qui peut être égal à zéro sur une toiture, surtout si le législateur rendait la couverture de panneaux solaires obligatoire… Cette électricité abondante et gratuite pourrait durablement relancer le débat sur l’utilisation de l’hydrogène !

 

M. François Piot

Décembre 2023